Le 17 décembre 2018, l’assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

Retour sur 17 ans de mobilisations.

Assassinat de syndicalistes paysans en Amérique latine, suicides d’agriculteurs familiaux indiens qui n’arrivent pas à rembourser leurs dettes faute de revenus décents, expulsion de paysans de leurs terres en Afrique, accaparement des semences par une poignée de multinationales partout dans le monde… Les paysans font partie des personnes dont les droits sont les plus massivement violés. De plus, 70 % des victimes de la faim sont des ruraux, essentiellement des petits producteurs agricoles.

Les paysans se mobilisent pour défendre leurs droits

Le mouvement paysan international, La Via Campesina, qui regroupe plus de 160 organisations dans 73 pays, se mobilise depuis 2001 en faveur de l’adoption d’une Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans, pour que ceux-ci soient mieux respectés. En 2008, après plusieurs années de consultations internes, La Via Campesina a adopté un projet de Déclaration.

La Déclaration a pour but de faire mieux connaitre les droits des paysans aux États, aux entreprises et aux paysans eux-mêmes. Elle poursuit deux objectifs :

1) Réunir en un seul document des droits reconnus dans plusieurs textes majeurs tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations contre les femmes ; la Convention relative aux droits de l’enfant et la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.

2) Reconnaître de nouveaux droits comme le droit à la terre, le droit aux semences et le droit à la souveraineté alimentaire. Il s’agit de droits émergents s’appuyant sur des textes existants. C’est le cas des Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres pour le droit à la terre, du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture à propos du droit aux semences ou des constitutions de Bolivie, d’Équateur et du Népal pour le droit à la souveraineté alimentaire.

À la différence d’une convention ou d’un pacte, une Déclaration n’est pas contraignante. Mais une Déclaration peut être reprise par les États et les unions d’États, dans les constitutions et les législations. Les droits deviennent alors contraignants et leurs violations passibles de sanctions. C’est ainsi que la Bolivie a intégré la Déclaration des droits des peuples autochtones dans sa législation en 2007. Au Philippines c’est le projet de Déclaration, 10 ans avant l’adoption du texte final, qui inspirera dès 1997 la loi sur les droits des peuples autochtones.

Les Nations unies décident de rédiger une Déclaration sur les droits des paysans

La mobilisation de  La Via Campesina a convaincu le Conseil des droits de l’homme des Nations unies de commander deux rapports sur le sujet à son Comité consultatif d’experts indépendants. Suivant les recommandations du comité, le Conseil des droits de l’homme a décidé, en septembre 2012, la rédaction d’une Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant en zone rurales. Un groupe de travail composé des représentants des États et de la société civile s’est réuni 5 fois depuis 2013 afin d’élaborer le texte de la Déclaration.

Si en septembre 2012, la plupart des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine se sont prononcés en faveur de l’élaboration de la Déclaration ou se sont abstenus, les pays membres de l’Union européenne et les États-Unis ont voté contre.

La France avait justifié son opposition au projet au nom du principe d’universalité des droits humains. En d’autres termes, les droits humains sont fondés sur des valeurs communes inhérentes à l’être humain. Ces valeurs concernent tout le monde, y compris les paysans et les paysannes. Consacrer dans une nouvelle Déclaration, des droits spécifiques aux paysans irait à l’encontre de ce principe d’universalité. Il s’agit d’un principe fondamental. Mais celui-ci n’interdit pas la reconnaissance de droits spécifiques aux paysans.

En effet, par le passé, la France a déjà soutenu, voire impulsé, la rédaction de Conventions et de Déclarations concernant des catégories particulières de la population. Ces documents reprennent le socle commun universel de droits et le complètent en fonction des situations spécifiques des enfants, des femmes ou des travailleurs salariés vis-à-vis des employeurs, pour ne citer que quelques exemples. À chaque fois, il s’agissait de produire des textes tenant compte des discriminations particulières que subissent certains groupes, pour mieux les combattre. Les paysans et les autres personnes travaillant en zones rurales sont bien dans ce cas.

Mobilisation pour faire évoluer les positions françaises et européennes

Le 26 juin 2014, le plaidoyer de la société civile a commencé à porter ses fruits. Lors du vote sur la reconduction du mandat du groupe de travail chargé de l’élaboration de la Déclaration, la majorité des pays européens, dont la France, a décidé de s’abstenir au lieu de voter contre. Depuis 2015, la situation a continué à progresser : lors des renouvellements successifs du groupe de travail, les États-Unis ont été le seul pays à voter contre, l’ensemble des États européens s’abstenant.

En France, la Confédération paysanne et le Comité Français pour la Solidarité Internationale animent la mobilisation de la société civile. En mars 2018, plus de 120 organisations et personnalités ont signé une lettre ouverte demandant au Président de la République de soutenir la Déclaration. En octobre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) adoptait à l’unanimité un avis allant dans le même sens.

17 décembre 2018 : adoption de la Déclaration à une très large majorité

Lors du vote à l’Assemblée générale des Nations unies, la Déclaration a été approuvée par 121 pays, 8 votant contre et 54 s’abstenant. La France faisait partie de cette dernière catégorie, les deux principaux ministères concernés défendant des positions opposées. À présent, il faut s’assurer de la mise en œuvre de ce texte majeur pour des centaines de millions de paysans et de travailleurs agricoles dans le monde.

Pour en savoir plus :

Le texte de la Déclaration 

L’avis CNCDH 

La vidéo de la Via Campesina

2 publications de Coordination Sud coordonnées par le CFSI :

 

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